L’écologie et nous, le malentendu

Plaisirs de la Chasse - Mars 2012

La question de l’écologie préoccupe le chasseur depuis quelques années. Il cherche par ce biais à répondre à ce dilemme : puisque l’écologie est bien et que nos principaux détracteurs sont les écologistes, comment prouver que moi aussi je suis un écologiste ? Toutes les formules à la mode y passent : Chasse raisonnée (suggère que nous étions fous auparavant), en accord avec le développement durable (de quoi ?) comme s’il fallait trouver à la chasse un tiroir où se  « ranger ».

Ecologie : de « oikos », maison, et « logos », science est l’étude scientifique des rapports des êtres vivants avec leur milieu naturel. (Petit Larousse illustré )

A ne pas confondre avec l’Ecologisme : défense du milieu naturel, protection de l’environnement. D’où Ecologiste : adepte de l’écologisme.
L’écologiste est donc l’adepte d’une doctrine ou d’un concept. Il ne pratique pas l’écologie mais l’écologisme.

La chasse, elle, procède s’un savoir empirique des rapports des êtres vivants avec leur milieu naturel » et fait de nous des échos… logiques de la nature.

Les conclusions que nous tirons de nos observations ne sont pas forcément exactes car nous pouvons, par manque de méthode, mal les interpréter. Mais elles offrent une mine de renseignements qui pourraient ouvrir des voies nouvelles à la recherche scientifique.
Hélas cette banque d’information mise gratuitement à disposition n’est pratiquement pas exploitée. On commence timidement, depuis quelques années, à analyser quelques uns de nos prélèvements, comme les cristallins de sangliers (INRA) pour établir des diagnostiques d’âge, les abats pour le dépistage de certaines maladies. Les comptages pour l’évaluation des populations sont peu analysés en dehors du milieu de la chasse tout comme les données de repérages balistiques sur les migrateurs. Ni les Vététistes, ni les skieurs, ni les nageurs et arrêtons là la liste car après tout on ne peut pas leur reprocher de ne pas le faire, ne sont en mesure de livrer à la science et à l’avenir de l’homme des données équivalentes sur la vie de la nature. Ils pratiquent un sport et ne sont qu’utilisateurs de la nature.

Procédons par élimination : le chasseur n’est donc ni un écologiste, ni un sportif, ni un utilisateur de la nature : C’est un chasseur.

Il est en revanche relativement proche de l’écologie et œuvre depuis des années en faveur de son environnement immédiat sans se faire entendre :
Houhou !!! Les réserves de chasse, c’est à nous !!!! Alors, les réimplantations de gibier, les récoltes de déchets, les agrainages, les plans de gestion, la régulation des prédateurs en faveur du petit gibier… c’est encore plus inconcevable.

Sans doute n’avons nous pas toujours été tendres pour la nature. A une époque où la terre semblait une source infinie de ressources pour tous, nous avons tué plus que de raison. Les tableaux de chasse, scandaleux avec le recul, sur les photos anciennes où nos grands parents posent, la moustache souriante et le fusil en bandoulière, devant des centaines de lapins, perdrix et autre bestioles étalées sur le sol avant d’être parfois jetées tant il y en avait à peler et à plumer, en témoignent.

Mais notre mémoire collective est sélective : A la même époque, on pose tout aussi triomphalement à côté d’une voiture hyper polluante, de belles blondes armées d’un pulvérisateur de DTT illustrent les pages pub des magazines, on vante à la télévision tous les produits exterminateurs de la faune et de la flore. Les plages ressemblent à des dépotoirs et le commandant Cousteau, dans « Le monde du silence », utilise des explosifs pour remonter à la surface les cadavres de jolies espèces de poisson à analyser.

Nous ne rasons pas les montagnes pour y implanter des remontes pente, nous ne pilonnons pas les bords de mer pour y construire des stations et ce n’est tout de même pas l’eau du pastis du soir qui assèchera la planète !
Il ne resterait au chasseur qu’une grotte, du feu, un arc et une flèche, qu’il serait encore le plus heureux des hommes.

Le chasseur occulte ses points fort. Il passe son temps à rater sa communication. Il est capable de manifester publiquement quand il s’agit de prolonger les dates d’ouverture de chasse où il s’affiche ouvertement comme « tueur » aux yeux de la cité. Mais quand il agit dans le sens où on pourrait l’admirer, il redevient le génie du camouflage ; Il tente d’enfiler le costume de l’écologiste pour jouer la comédie du développement durable.

Dernièrement, la fédération nationale de la chasse a tenté une magnifique campagne de pub valorisant la chasse. Mais qui va croire que nous avons troqué le fusil pour les jumelles et que nous passons nos Dimanches à regarder butiner les abeilles ? On verra toujours en nous le chasseur.

Or, nous sommes des chasseurs. Et à ce titre nous pouvons entrer dans les grands combats actuels sans avoir à s’essuyer les pieds avant d’entrer.

Au beau milieu de l’été dernier, coup de théâtre : des sangliers s’offrent en sacrifice, tués par les mêmes algues vertes en Bretagne…
Les chasseurs, qui vivent cette mort comme indigne d’un animal sauvage, devraient se montrer en tête du cortège des mécontents.
Mais en dehors d’un attristement contenu, deux bonnes heures de recherche inutile montrent qu’en dehors des écologistes, une fois de plus, la chasse n’a pas pris la parole pour défendre sa cause, c’est à dire celle du sanglier.

Idem pour le projet d’exploitation de gaz de schiste en France. Les américains puis les canadiens ont témoignés que les premiers touchés sont les habitants des régions rurales. C’est le cas de la Pennsylvanie, remarquable lieu de chasse aux états unis, tout comme au Canada. Si nous sommes tous concernés en tant que citoyens, les chasseurs le sont encore davantage.

Des puits plantés comme des verrues au centre de nos levers de soleil quand nous allons « faire le pied », des espaces vierges lacérés par des routes pour les camions de transport en fond de décor d’un envol de bécasse. De toutes les façons, plus question de chasser aux alentours. Avec notre petite casquette orange, nous serons priés de « circuler ». N’importe quel projet Natura 2000 (c’était bien la peine d’en créer !) paraîtra plus doux à notre mémoire que ce hold-up pur et simple de nos territoires de chasse. Les compagnies pétrolières pourront nous offrir des bistrots pour noyer notre chagrin dans l’alcool, l’eau n’étant même plus bonne à boire.

On culpabilise sous le pommeau de douche alors que le gaz de schiste nécessite des milliers de mètres cubes d’eau pour son extraction, dans des régions déjà à la limite de la désertification et les exemples de pollution accidentelle des nappes phréatiques ne sont pas exceptionnels. Aux états unis, un habitant a observé des phénomènes de dépilation sur des animaux ayant ingurgité l’eau contaminée. Après les sangliers morts d’algues vertes, on pourra s’extasier devant des photos de cerfs épilés et de poissons crevés.

De nombreuses zones dont la Lozère, l ‘Ardèche, le Tarn et Garonne, le Lot, les Pyrénées (Foix) et bien d’autres paradis de chasse sont concernés par cette autre chasse, celle du profit. Lors de l’assemblée générale des chasseurs de ma commune, je signale qu’une manifestation apolitique contre cette menace a lieu dans la ville voisine. Silence poli. Quelques semaines plus tard, « La Dépêche », bible locale appréciée des chasseurs pour ces nombreux articles valorisant leur rôle, titre enfin les dangers du gaz de schiste. En attentant… J’ai « rêvé » tous mes camarades chasseurs, en treillis et casquette orange, brandissant fièrement un étendard au slogan sans appel : « non au gaz de schiste sur nos terrains de chasse ». « Gaz de schiste = mort lente de la faune sauvage ». Hélas, sur la place publique où se tenait le rassemblement, il n’y avait qu’une poignée de doux chevelus, toujours les mêmes, signant une pétition citoyenne.
On me présente à l’un des doux chevelu : « elle est présidente de chasse et chasseresse. » Le doux chevelu, perplexe, m’interroge du regard.
J’enchaîne : « Je ne tiens pas à ce que nos chevreuils ressortent tout chauves après avoir bu de l’eau frelatée. Bien sur, ils seraient plus vîtes pelés, mais ce n’est pas dans nos convictions. » Il sourit et me serre la main. Mais où sont mes copains en pull vert forêt?

Du côté de nos fédérations de chasse, pas un mot sur la menace du gaz de schiste non plus…
Nous voudrions paraître aussi vertueux que les écologistes mais l’idée de manifester sur les mêmes thèmes nous rend… verts de peur.

Pourtant, c’est en nous affichant clairement sur des sujets de cette envergure que nous deviendrons plus crédibles et mieux écoutés.

Le chasseur actuel perd son énergie à vouloir qu’on parle de lui comme d’un « bon sauvage » au lieu d’afficher sa «chassitude» là où on ne l’attend pas.

Ce n’est ni en nous déguisant en vert ni en restant à la botte de ceux qui pensent nous acheter par quelques réformettes que nous changerons le regard qu’on nous porte. C’est en prenant clairement position sur notre vision d’une nature qui nous permet de vivre libres au contact de bêtes libres. La chasse n’est ni une science ni un combat politique, c’est une question de sincérité.

 

C. Iordanoff